chapitre 1.

La porte qui se ferme derrière moi me fait sursauter. Et pourtant, c'est moi qui vient de la fermer. Je ne m'étais pas rendue compte, mais au fond, cette discussion avec ma mère m'a atteint plus que je le pensais. Des fois, je me dis que je suis trop difficile avec elle. Elle qui a fait tant de sacrifices pour nous depuis notre naissance. Qui continue encore aujourd'hui alors que je suis adulte, que ma soeur vient juste de fêter son dix-huitième anniversaire. C'est la première fois que je la vois depuis presque une semaine. Six jours à se manquer. Quand revient du boulot, il est tard je suis déjà couchée. C'est moi qui ait préparé le souper, après avoir étudié toute la journée comme une dingue pour mon examen. C'est une routine qu'on a établi depuis longtemps. Maman travaille de soir, parfois de nuit. Elle n'a pas le choix, c'est bien plus payant. Elle pouvait pas le faire quand on était petits, mais à partir du moment que j'ai eu 15 ans, elle me faisait assez confiance pour prendre soin d'Alice et mon petit frère Tristan.

On se débrouille comme ça depuis bientôt 6 ans. On habite dans un grand 5 1/2, je partage ma chambre avec Alice, maman a sa chambre et Tristan aussi. Au départ, c'était juste maman qui payait l'appartement, elle faisait des fois du 7 jours pour y arriver. On faisait une petite épicerie, on mangeait souvent chez des amis d'école. On y arrivait, mais je me couchais souvent avec le ventre vide. Comme je suis la grande soeur, je m'arrangeais toujours pour que mon frère et ma soeur mange avant moi. Je prenais les restants. Ou bien j'allais chez Rosalie, ma meilleure amie.

Dans le quartier, y'a beaucoup d'entraide. Pas de tabous. Tout le monde en arrache. Personne se juge. On en voit fouiller dans les poubelles des restos, et personne dénonce personne. Y'a souvent des fêtes de quartier, et comme c'est gratuit, on y va se bourrer la face. On en profite.

Ma mère nous élève seule. Mon père est parti quand le petit avait 3 ans. Y'a pas beaucoup de souvenirs. Mes parents s'entendaient pas. Y'avait de la chicane, des cris, des pleurs. Mais même si il habitait plus ici, on continuait de le voir. Deux fois par mois environ. Il venait nous chercher, on passait la journée ensemble. Faire des activités, manger au mcdo. C'est des bons souvenirs. Il doit donner une pension à maman, et il a jamais oublié une fois. Aujourd'hui, on le voit moins souvent. Il voit Tristan souvent, mais moi et Alice on travaille tout le temps. On se parle au téléphone des fois. Mais pour être honnête, j'ai souvent rien à lui dire. Et sa vie m'intéresse pas plus que ça. Je pourrais même pas dire c'est quoi sa job. Ça change tellement souvent.